Physique

Le monde comme il va …

Henri DUPUIS • dupuis.h@belgacom.net

NASA, © CERN

Petit tour d’horizon printanier de quelques résultats qui nous disent quelque chose sur l’état de l’Univers

L’atmosphère terrestre photographiée par l’équipage de la mission STS-127 de la navette
spatiale Endeavour  en orbite autour de la Terre le 29 juillet 2009

Notre avenir rétrécit. Et ce n’est pas d’avenir post-covid dont il est question ici, mais de celui des espèces vivantes dont, bien sûr, de l’espèce humaine: il semblerait qu’il soit bien moins long qu’estimé précédemment.

On sait que d’ici environ 5 milliards d’années, le soleil, après avoir transformé son hydrogène en hélium épuisera à son tour cet hélium et se transformera momentanément en géante rouge. Il aura alors multiplié son rayon par 1 000. Inutile de préciser que toute forme de vie aura été balayée de la surface terrestre depuis longtemps. Ce n’est cependant pas ce phénomène qu’étudie l’article paru en ce début d’année (1). Les 2 auteurs se sont en effet intéressés à la présence d’oxygène dans notre atmosphère. Présence d’oxygène qui, rappellent-ils, est une biosignature détectable, un indice de vie. Si aujourd’hui, notre atmosphère contient environ 20% d’oxygène (O2), il n’en a pas toujours été ainsi: entre 4,5 et 2,5 milliards d’années, il en a été pratiquement absent, uniquement produit par l’action des UV du soleil sur la vapeur d’eau et le CO2. Mais il n’a jamais atteint 0,01% du niveau actuel !

Le développement des cyanobactéries puis des eucaryotes changent la donne: la concentration en O2 croît grâce à la photosynthèse. Puis chute entre 725 et 600 millions d’années lorsque la Terre est presqu’entièrement gelée, remonte, atteint un pic avec les forêts carbonifères (le bilan net du cycle photosynthèse-respiration des végétaux est excédentaire en oxygène contrairement à aujourd’hui où il s’équilibre (encore !). La disparition de ces forêts stabilise peu ou prou la teneur autour de la valeur actuelle. Mais ce qui est apparu peut-il disparaître ? Oui, d’après le modèle mis au point par les 2 chercheurs de l’article en question. L’oxygène est appelé à disparaître de notre atmosphère et d’ici moins longtemps qu’estimé par d’autres études: dans 1 milliard d’années environ, il n’y en aura plus trace. Pourquoi ? À cause de l’inévitable augmentation du flux solaire et donc du réchauffement de la Terre. Cela va entraîner la formation de plus en plus de vapeur d’eau (c’est une loi de la thermodynamique qui veut que plus l’air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d’eau, environ 7% en plus par degré de réchauffement). D’où une absorption plus importante du CO2 nécessaire à la photosynthèse (un comble pour nous qui tentons en vain aujourd’hui de réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère, toute vie finira par disparaître parce qu’il y en aura trop peu). Donc de moins en moins de plantes, donc de moins en moins d’oxygène… Et l’effondrement sera affolant de rapidité: d’après les auteurs, l’affaire sera pliée en 10 000 ans, passant d’une concentration de 20% à 1% sur ce laps de temps. 

 
Le grand bestiaire

Changeons d’échelle. Si le grand collisionneur du CERN est à l’arrêt pour maintenance et mise à niveau (à cause de la pandémie, les expériences ne reprendront sans doute que l’an prochain), cela n’empêche pas les chercheurs d’analyser les données récoltées précédemment. Mais il faut dire que le communiqué publié par l’organisme européen le 3 mars dernier avait de quoi laisser pantois: au cours des 10 dernières années, le LHC a permis la découverte de 59 nouvelles particules !  

Murray Gell-Mann, que l’on voit ici dans la caverne d’ATLAS en 2012, a proposé le modèle des quarks et le nom «quark» en 1964; il a reçu le prix Nobel de physique en 1969  (Crédit : © CERN)

Que ceux qui pensent que le modèle standard de la physique ne comporte que 17 particules (6 quarks, 6 leptons dont l’électron et les neutrinos, 4 bosons de jauge dont le photon et, cerise sur le gâteau découverte par le LHC, le boson de Brout-Englert et Higgs) ou 61 si on comptabilise leurs couleurs et les antiparticules, se rassurent: les particules générées par les collisions dans le LHC ne sont pas des particules élémentaires comme celles qui structurent le modèle standard mais des hadrons. Autrement dit des particules intermédiaires composées de différents quarks en nombre variable. Et là, c’est le grand bestiaire, un inventaire à la Prévert: il en existe des centaines. Les découvertes s’enchaînent sans qu’on sache où cela va s’arrêter car la combinaison des quarks entre eux ne peut être prédite pour l’instant donc il est impossible de dire théoriquement quelles combinaisons de quarks ont la capacité de former des hadrons. Alors on les classe au fur et à mesure de leur découverte: il y a les baryons (tous ceux composés de 3 quarks), les mésons (1 quark et son antiquark), d’autres sont composés de 4, voire même de 5 quarks, etc. Tous sont étudiés notamment dans un but: en apprendre davantage sur l’interaction forte, celle qui n’agit que sur les quarks et des particules composées de ceux-ci; et donc fait en sorte que nous existons puisque sans elle, tous les noyaux des atomes voleraient en éclat, les protons qui les composent se repoussant entre eux puisque de même charge. Elle a en effet une particularité étrange: elle augmente avec la distance. Si bien qu’en théorie, il faudrait une énergie infinie pour séparer totalement 2 quarks. On comprend mieux pourquoi ceux-ci n’existent pas à l’état libre mais sont toujours confinés dans les hadrons.

 
Tension palpable

Nous vous avions déjà entretenus de cette énigme de la physique contemporaine: la notable différence entre les valeurs de la constante de Hubble-Lemaître selon la méthode utilisée (voir Athena n° 349). Rappelons que la vitesse d’expansion de l’univers est donnée par la loi de Hubble-Lemaître: Vexpansion = H0 x D où H0 est une constante, la fameuse constante de Hubble-Lemaître et D la distance à l’observateur; la constante d’expansion s’exprimant pour sa part en km par seconde par mégaparsec (km/s/Mpc). Pour déterminer la valeur de H0, il faut donc connaître la vitesse d’éloignement des galaxies (ce qui est facile) et leur distance par rapport à nous. Pour ce faire, il faut disposer de chandelles standard, objets dont la luminosité intrinsèque est connue, ce qui permet d’en déduire leur distance en observant leur luminosité apparente: par exemple les étoiles Céphéides (des étoiles pulsantes) et des supernovae de type Ia, explosion thermonucléaire d’une étoile naine blanche. L’autre méthode est basée sur le rayonnement fossile de l’univers (fond diffus cosmologique). L’intensité de ce rayonnement varie très légèrement dans différentes directions, fluctuations qui dépendent entre autres de la vitesse de l’expansion de l’univers. Donc de H0

Les 2 méthodes aboutissent à des valeurs de H0 très différentes. L’étude qui vient de sortir (2) relève plutôt de la première méthode mais avec des objets célestes très différents puisque pour déterminer la distance, ses auteurs ont choisi la fluctuation de la luminosité moyenne en infra-rouge des étoiles dans 63 galaxies elliptiques géantes. Adieu donc les supernovae et les Céphéides. Résultat ? Très proche de la valeur obtenue avec ces dernières. La grosse tension entre les 2 valeurs demeure, se renforce même. Que se passe-t-il dans l’univers ?

 

(1) The future lifespan of Earth’s oxygenated atmosphere, K. Ozaki & C.T. Reinhard, Nature Geoscience, march 2021.

(2) The Hubble Constant from Infrared Surface Brightness Fluctuation Distances, John P. Blakeslee et al., arXiv:2101v2, 26 Feb 2021.

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